C’est avec Le Monde de Lucrèce, « la petite sœur du Petit Nicolas », que j’entame mes lectures jeunesse (ou plus exactement, que je replonge dedans !). Mon avis sera sûrement un peu biaisé par le fait que j’adore la série de René Goscinny/Sempé et qu’elle m’a vraiment marquée étant plus jeune.

Sur l’auteure et l’illustratrice

Anne Goscinny est l’auteure de plusieurs romans aux éditions Grasset et continue aussi de faire vivre l’oeuvre de son père (Lucky Luke, Astérix, etc.). C’est avec le Monde de Lucrèce (déjà deux tomes parus) qu’elle met un pied dans la littérature jeunesse.

A l’inverse, Catel Muller, a commencé par la jeunesse et a écrit des scénarios et illustré des bandes dessinées, en parallèle, pour les adultes. Elle est notamment la co-créatrice de la bande dessinée Olympe de Gouges.
De quoi ça parle ?
Ce premier tome pose le cadre de Lucrèce et de tous les personnages qui composent sa vie de collégienne – ses parents, son beau-père, son frère, sa grand-mère, ses amis – à travers des situations quotidiennes que rencontrent tous les adolescents de son âge : le passage en 6ème, la communication avec ses parents, les difficultés à l’école, etc. Un excellent moyen pour les jeunes lecteurs de se retrouver dans le personnage de Lucrèce, qui décrit une réalité adolescente générique, ponctuée de ses propres états d’âme et de ses rêveries.
Dans sa globalité, le récit porte une belle plume, avec son lot d’émotions, de réalisme indéniable et de pépites au coin des pages :
Et s’il y a une chose que je ne supporte pas, c’est de voir maman pleurer. J’ai l’impression que c’est pire que si toutes les forêts du monde brûlaient. – p. 150
Et bien sûr, de chouettes illustrations :

Ce que j’ai moins aimé
Comme je le disais en introduction, ma lecture ne manque pas de faire écho au souvenir du Petit Nicolas.
Si le ton est bien celui d’une collégienne, il m’a paru un peu neutre par rapport à son grand frère Nicolas, hormis l’adjectif « loufoque » qui revient tout le monde et qui me rappelle l’expression fétiche de R. Goscinny, « non mais sans blague ».
Aussi, j’ai eu du mal à rentrer vraiment dans le récit ; peut-être en partie parce que je ne suis pas le public cible, ça a dû jouer un peu, mais aussi parce que j’ai peiné à visualiser les personnages. Par exemple, dans le Petit Nicolas, les copains sont caractérisés par des traits explicites, souvent sous forme de périphrase, et qui permettent de bien distinguer tous les personnages (bon, après il y en a beaucoup des copains, donc ça valait mieux !). Mais là, j’ai surtout retenu le personnage de la grand-mère, très précis dans mon imagination par rapport aux autres qui sont beaucoup plus pâles et flous.
La deuxième chose qui m’a gênée est la façon dont on entend l’auteure adulte entre les lignes ; cela peut être sur la psychologie des personnages (Lucrèce nous semble à des moments bien clairvoyante pour son âge) ou sur des opinions personnelles à l’écrivaine (je crois). Je m’attendais à plus d’innocence, de naïveté dans le discours. Peut-être que les enfants sont plus grands et mûrs que ce que je ne pensais ?
Cela m’amène d’ailleurs au dernier point : j’ai trouvé qu’il y avait peu de place à l’imagination, aux digressions qui peuvent germer dans la tête des enfants. Et cela rend le récit presque trop commun par moments.
Je lirai quand même le tome 2 à l’occasion, pour voir, et parce que quand même, c’est un joli récit dans l’ensemble, un bel univers, même si Lucrèce fait beaucoup moins de bêtises que son cousin Nicolas.
On trouve d’ailleurs un hommage au personnage dans le récit (que je n’ai évidemment pas manqué !) :
Puis Elvire et Nicolas sont arrivés à leur tour. Nicolas et moi, on est cousins. Je l’aime bien même s’il est un peu prétentieux. Ce n’est pas parce que son grand-père était un héros dont les aventure ont fait le tour du monde qu’on doit systématiquement être d’accord avec lui. Non, mais c’est vrai, quoi, à la fin ! – p. 100
Le Monde de Lucrèce, tome 1, Goscinny/Catel – 179 pages – Gallimard Jeunesse – mars 2018