A la ligne, Ponthus
Causeries

[Avis Lecture] A la ligne, Joseph Ponthus

Premier roman de Joseph Ponthus, A la ligne est un bijou de vers libres qui content l’histoire moderne de l’usine, qu’elle soit de boeufs ou de bulots, sur un tapis de culture littéraire.

A la différence du roman standard, A la ligne est écrit en vers, sans ponctuation mis à part quelques guillemets çà et là, ce qui rend la lecture très proche de celle d’un recueil de poésie. Continue, haletante, addictive – jamais un point n’est là pour nous faire poser l’ouvrage, les chapitres s’enchaînent et c’est déjà la fin. Un astucieux mélange de trivialité et de poésie, on pense à Céline, à la chanson française, à la poésie.

L’auteur parvient dans ces 273 pages à brosser un tableau réel et juste de l’usine, à nous montrer la vérité sans fioritures, au travers d’une poésie humble, maîtrisée, au rythme changeant d’humeur, appuyant une histoire qui parfois nous fait froid dans le dos. Pourtant, l’histoire en elle-même, l’intrigue, n’a rien de plus banal, la vie de Joseph au fil des contrats intérimaires, ponctués de rêveries littéraires. Ce n’est pas tant pour savoir que les vaches sont triées sur des rails, qu’elles doivent attendre dans une salle spécifique avant de passer l’arme à gauche et qu’elles se font dessus apeurées, quoique, c’est surtout pour la langue, la dextérité avec laquelle on trouve du Shakespeare en plein égouttage de tofu, du La Bruyère au milieu des bulots, du haïku entre deux animaux morts.

Ce n’est pas du Zola mais on pourrait y croire
On aimerait l’écrire le XIXe et l’époque des ouvriers
héroïques
On est au XXIe siècle
J’espère l’embauche
J’attends la débauche
J’attends l’embauche
J’espère
Attendre et espérer (…)
Mon bon Dumas »

Les références littéraires, nombreuses et à point, ne sont d’ailleurs pas les seules. La poésie de Ponthus est aussi égayée par de la culture musicale française – Brel, Hallyday, Trenet…

Par le prisme de cette écriture brillante, on voit se dessiner la réalité du travail en usine. Si l’on y est étranger, on voit la solidarité, les horreurs, la routine qui rassure ou rend fou, ou les deux parfois, l’incertitude de renouveler son contrat du jour au lendemain, on voit aussi, avec une clarté cristalline, le traitement des bêtes, aussi puissant qu’une vidéo, les mots ensanglantés qui s’alignent, la mort.

Si j’avais su
Vingt ans plus tôt
Sur les bancs de l’élite
Prétendue
Que le père Godot m’aiderait à en rire de tout ça
Vingt ans plus tard
De l’intérim
Des poissons panés
Du bulletin non-dit »

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A la ligne, Feuillets d’usine, Joseph Ponthus – 277 pages – Editions de la Table Ronde – 2019

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