L’auteure argentine Dolores Reyes, avec son style décapant, nous raconte l’histoire de Mangeterre, cette jeune femme au don unique de voyance en mangeant la terre de personnes mortes ou disparues. Un premier roman qui s’inscrit dans le genre du réalisme magique.
J’ai caressé la terre qui me donnait des yeux neufs, me permettait d’avoir des visions auxquelles j’étais la seule à accéder.
Habituée au langage soutenu, aux images, à la délicatesse dans les pages que je lis, j’ai tout de suite été déroutée par le style direct, brut et brutal, le franc-parler, le parler écrit, l’ancrage social de l’écriture.
Ce jour-là, j’avais l’impression d’avoir la tête comme une saucisse sur le point d’éclater.
Grâce à cette écriture particulière, au côté naïf, coloré, pétillant voire souriant, on oublierait presque qu’en déroulant le récit, on a les pieds dans le terreau des morts. Une écriture au charme adolescent, qui rappelle la littérature Young Adult, dans ses thèmes comme dans son essence.

Sans qu’il y ait d’intrigue-souche, le lecteur suit Mangeterre au fil de ses clients, qui cherchent désespérément un proche disparu. Aux abords de sa maison qu’elle partage avec son frère, Mangeterre reçoit des bouteilles pleines de terre, souvent accompagnées d’une photo ou d’un mot, et de coordonnées. Les bouteilles se multiplient à mesure que les espoirs de tous ces gens meurent. Les conteneurs, entreposés dans le jardin de Mangeterre, sont pour eux la dernière chance de retrouver leur proche, leur enfant, leur amour.
Au début la terre est froide, ensuite elle se réchauffe dans la main puis dans la bouche. (…) La terre était le poison nécessaire pour voyager jusqu’au corps de Maria.

J’ai enchaîné les pages et dévoré, comme Mangeterre la nécropole terreuse, l’histoire, en attendant quelque chose de plus. Si la première partie plante bien le décor et nous emporte tout entier dans cet univers sud-américain aux touches fantastiques, le déclic n’est jamais venu. On est par la suite emmenés dans des scènes éparses, crues, violentes, que j’ai trouvées décorrélées du tableau de départ. Et plus on attend, plus on approche de la deux centième page, et plus l’intrigue a l’odeur de celle qui ne viendra jamais, jusqu’à la fin, jusqu’à la fuite, ouverte, à tel point qu’elle laisse filer le ou les sens que l’on aurait pu lui trouver.
Un premier roman qui happe par l’originalité de l’histoire qu’il a voulu conter mais qui laisse en bouche un goût d’inachevé.
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Mangeterre, Dolores Reyes – 207 pages – Les Editions de l’Observatoire – août 2020
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